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14 juin 2023

Récompenser la redevabilité en action

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Nixon Sifuna. Photo courtesy of Nixon Sifuna.

Le Mécanisme indépendant de recours du Groupe de la Banque africaine de développement a décerné ses tout premiers « Prix de la redevabilité en action » aux lauréats, au Kenya et au Burundi.

 

 

Par Rabi Thapa

Lorsque Nixon Sifuna, avocat spécialiste de l’environnement, a accepté de représenter plus de 500 personnes affectées par un projet au Kenya, dans le cadre d’un examen de conformité effectué par le Mécanisme indépendant de recours, il lui a semblé important d’apprendre à bien connaître ses clients.

« Nous avons partagé la même nourriture. Je me suis assis par terre et j’ai travaillé avec eux. Je leur ai dit que je faisais partie de leur famille », a-t-il raconté en se souvenant de ses échanges à propos de son travail d’examen d’un projet mené au Kenya, financé par la Banque africaine de développement (BAD). « Pendant votre formation d’avocat, on vous dit que vous ne devez pas être trop proche de vos clients. Mais quand vous intervenez sur des contentieux d’intérêt public, vous devez avoir le sentiment de faire partie intégrante de leur groupe. Vous devez être l’un d’entre eux. »

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Régis Mpawaneyo. Photo publiée avec Régis Mpawaneyo.
Son dévouement en faveur de la redevabilité n’est pas passé inaperçu. Au début de l’année, le Mécanisme indépendant de recours (MIR) a annoncé que Nixon Sifuna et Régis Mpawaneyo, directeur de l’Agence routière du Burundi, étaient les deux lauréats du Prix 2022 de la redevabilité en action. Régis Mpawaneyo a joué un rôle clé dans la résolution d’un différend entre les parties à une autre plainte déposée auprès du MIR, qui concernait un projet d’infrastructure routière financé par la BAD.

« J’éprouve un grand sentiment de satisfaction d’avoir contribué à trouver une solution à un problème », a-t-il précisé lors d’un entretien avec le MIR. « Il s’agissait d’une route qui traversait la propriété d’une famille, l’un des biens les plus importants qu’elle possédait. Il est très important que les représentants du gouvernement soient tenus de prendre en considération la valeur que ces biens peuvent avoir pour une famille. »

Delphine Vakunta, responsable de la communication et des relations extérieures à la BAD, a déclaré que le prix « salue l’importance capitale de la redevabilité dans l’objectif global de la Banque, à savoir l’élimination de la pauvreté et le développement durable. Il récompense les personnes et les organisations qui ont apporté une contribution significative à la redevabilité, dans le cadre des procédures de traitement des plaintes du MIR pour les projets financés par la BAD. »

Cette année, le Conseil consultatif des parties prenantes du MIR, chargé de la sélection finale, a choisi de distinguer deux lauréats.

« Nous avons été très impressionnés de recevoir de nombreuses candidatures provenant de différentes régions d’Afrique, cela témoigne d’une prise de conscience croissante de la redevabilité », a souligné Damilola Olawuyi, le président du Conseil. Le Conseil consultatif des parties prenantes, composé de neuf membres issus des secteurs public, privé et à but non lucratif, tous forts d’une grande expérience en matière de redevabilité, a supervisé le processus de sélection. Lors de l’appel à candidatures, M. Olawuyi a déclaré dans un entretien avec Accountability Matters : « Nous avons recherché des acteurs qui font progresser des mécanismes de redevabilité équitables et efficaces dans le traitement des plaintes. Incarnent-ils la redevabilité, la transparence et l’équité dans ce qu’ils font ? Ce ne sont pas que des mots à la mode, ils illustrent ce que la Banque africaine de développement recherche et entend promouvoir dans la conception et la mise en œuvre de projets de développement. »

Le Conseil a également examiné les antécédents des candidats, en tenant compte des contributions spécifiques les plus récentes et de leur engagement à plus long terme en faveur de la redevabilité. « Il est très important pour nous d’éviter le risque de l’éphémère, nous voulons être sûrs qu’il existe bel et bien un historique d’engagement », a souligné M. Olawuyi.

Pour le Prix 2022, le comité a sélectionné deux personnes qui ont joué des rôles très différents dans le processus de redevabilité.

Au Kenya, les habitants opposés au projet de traitement des eaux usées des villes de Kapenguria-Makutano ont choisi Nixon Sifuna pour les représenter dans le processus de traitement des plaintes en raison de son expérience spécifique en tant qu’avocat spécialisé dans les questions environnementales. Bien que les plaignants puissent se représenter eux-mêmes, les personnes affectées par un projet préfèrent parfois bénéficier de l’aide d’une ONG ou d’une personne qui inspire confiance à la communauté.

« Je m’occupe beaucoup de litiges environnementaux d’intérêt public », a précisé M. Sifuna. « L’affaire m’a été confiée par un client qui a dit à la communauté qu’elle avait besoin d’un avocat soucieux de l’intérêt public et ayant des connaissances en matière d’environnement. »

Nixon Sifuna a conseillé à la communauté de déposer une plainte auprès du MIR, puis l’a guidée tout au long du processus de formulation de ses préoccupations concernant le projet de réseau d’égouts. Finalement, le MIR a constaté que la BAD ne respectait pas certains aspects de ses politiques sociales et environnementales, ce qui a contribué à la relocalisation du projet.

« Nous avons constaté que le Mécanisme était très transparent» , a souligné M. Sifuna au sujet du processus d’examen de la conformité, lors d’un entretien avec le MIR. « Je suis heureux d’avoir été sélectionné pour ce prix, mais je pourrais citer un très grand nombre d’autres acteurs, y compris les agents du MIR chargé de la vérification de conformité sur le terrain. »

Régis Mpawaneyo a joué un rôle clé dans l’aboutissement d’une plainte liée au projet de réhabilitation et de bitumage de la route Nyakararo-Mwaro-Gitega, au Burundi, qui a fait l’objet d’une procédure de règlement des différends.

En tant que directeur de l’Agence routière du gouvernement burundais, il était l’une des parties impliquées dans la plainte. Le comité de sélection du Conseil consultatif des parties prenantes a estimé qu’il avait joué un rôle essentiel dans l’établissement et le maintien de la confiance avec les plaignants, ce qui a concouru à ouvrir la voie à une résolution positive de la plainte.

Cette expérience a incité M. Mpawaneyo à continuer à travailler dans le domaine de la redevabilité. « Je vais essayer de développer un mécanisme ou une petite ONG pour sensibiliser les populations qui peuvent être affectées par les projets », a-t-il déclaré. À l’avenir, il espère travailler avec les banques de développement pour les sensibiliser aux types de problèmes qui peuvent nuire aux communautés à la suite de la mise en œuvre de projets de développement.

M. Olawuyi, président du Conseil, a expliqué que le Prix de la redevabilité en action a un double avantage : il permet de sensibiliser le public à la redevabilité et d’encourager les lauréats et les candidats à poursuivre leur travail exemplaire.

« L’objectif premier de l’ensemble du processus d’attribution du prix est de former des champions de la redevabilité », a-t-il précisé. « Nous espérons que la distinction que nous leur avons conférée incitera les lauréats à en faire encore davantage. Nixon Sifuna et Régis Mpawaneyo ont fait preuve d’un engagement exceptionnel en faveur de la redevabilité, de l’équité et de la collaboration. Nous sommes très fiers d’honorer leurs réalisations. »

 

Orla Said a contribué à la rédaction de cet article.

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